Robotisation, automatisation et intelligence artificielle bouleversent le marché du travail.

Des emplois disparaîtront, d’autres feront leur apparition. Mais c’est surtout le contenu des emplois qui va changer. Et tant les entreprises que les travailleurs doivent s’y préparer, affirme Jean-Pierre Mullenders, CEO de Randstad Luxembourg.

"Aux États-Unis, 47% des emplois sont exposés à un fort risque de disparition sous l’effet de la technologie": telle était la conclusion de l’article The Future of Employment: How susceptible are jobs to computerisation ?, publié en 2013 par Carl Benedikt Frey et Michael Osborne. Il marquait le coup d’envoi d’une avalanche de prévisions catastrophiques concernant le marché du travail. "Cette étude a donné le ton du débat sur l’automatisation et la numérisation", se remémore aujourd’hui Jean-Pierre Mullenders, CEO de Randstad Luxembourg. "Que faut-il en penser ? Honnêtement, il faut relativiser ces conclusions. Frey et Osborne donnent une vision très monolithique."

des emplois disparaissent, apparaissent et changent

Il existe de nombreuses études plus nuancées. L’OCDE, par exemple, évoque quelque 10% d’emplois exposés à un gros risque de disparition sous l’effet de l’automatisation. Une enquête menée par McKinsey montre de son côté que l’intelligence artificielle va certes détruire des emplois, mais qu’elle est tout à la fois susceptible d’en créer de nouveaux. Non seulement des emplois vont apparaître dans le développement et l’entretien de la technologie, mais le surcroît de productivité qu’apporte la technologie créera également de nouveaux emplois dans d’autres secteurs.

Cela signifie donc que la plupart des emplois vont subsister… même s’ils sont appelés à évoluer. La technologie entraînera l’automatisation d’un grand nombre de tâches au sein d’un emploi. Autrement dit, même si le titre de la fonction survit, les tâches qu’il recouvre seront radicalement différentes.

voici les "cobots"

Bien que le changement ait lieu de tout temps, les phénomènes actuels d’automatisation et de robotisation auront un impact tout à fait inédit. Cela s’explique par le fait qu’il ne s’agit plus uniquement de machines mais également de données. La combinaison de ces deux éléments amorce une évolution beaucoup plus fondamentale dans le contenu des fonctions. Les travailleurs sont appelés à collaborer davantage avec des machines et des systèmes intelligents – des "cobots" dans le jargon.

Cela dit, cette évolution ne s’opérera pas du jour au lendemain. On parle toujours de ‘révolution numérique’, mais l’expression suggère que ce sera ‘un ou zéro’, tout ou rien. Or, c’est le contraire: il s’agira d’une transition graduelle de zéro à un, par petites étapes. Cela laissera aux individus le temps de s’adapter, de se former.

alerte, agile et mis à jour régulièrement

Chaque jour est marqué par un article (pessimiste) sur le marché de l’emploi; chaque nouvelle étude – l’une mieux étayée que l’autre – souligne les glissements importants auxquels nous serons bientôt confrontés. Comment pouvons-nous réagir face à un avenir difficile à prévoir ?

"De trois façons", répond le CEO. "D’abord et avant tout, restezattentif à ce qui se passe sur le terrain où vous êtes actif. Quelles évolutions s’y dessinent ? Comment réagissent les clients ? Et comment puis-je y adapter ma propre stratégie ? Restez en état d’alerte et ne vous laissez pas séduire par un effet de mode passager."

Ensuite, tant les individus que les entreprises doivent demeurer très réactifs. Les plans à cinq ou dix ans ne sont plus une option: il faut pouvoir rectifier le tir rapidement, en fonction de l’évolution des conditions ambiantes. Cela signifie également que les entreprises doivent analyser leur structure organisationnelle. Au lieu de grands projets, il est préférable de se concentrer sur de petits (sous-)projets qui peuvent être réalisés beaucoup plus vite.

Enfin, les entreprises doivent créer un environnement où les collaborateurs peuvent eux aussi s’adapter, afin qu’ils puissent continuer à apprendre, mettre à jour et perfectionner régulièrement leurs compétences. L’apprentissage tout au long de la vie est l’un des grands défis des RH.