Exploiter la technologie sans se détourner de l’humain

La technologie permet aux entreprises de servir plus de clients, plus rapidement et à moindre coût, tout en transformant la multitude de données disponibles en informations précieuses pour les entreprises. Pourtant, la technologie ne peut pas remplacer le contact humain - la créativité, l'empathie et l'engagement que les clients attendent et qui sont le moteur de l'innovation et de la différenciation. Comment les entreprises peuvent-elles trouver le juste équilibre entre la technologie et le contact humain ? Comment peuvent-elles guider leur personnel à travers l'incertitude et le changement ?

« Grâce à« Human Forward », la nouvelle promesse de marque de Randstad, nous mettons les gens au cœur du processus - créant pour nos clients, candidats et employés une expérience plus personnelle, plus impactante et qui leur permet de réaliser leur plein potentiel. La technologie fait vraiment partie de ce voyage vers l'avenir, mais elle est là pour responsabiliser plutôt que pour contourner ou remplacer les gens », explique Jos Schut, Directeur des Ressources Humaines de Randstad.

Nous avons demandé à Jos de décrire la réflexion qui se cache derrière Human Forward et les expériences qu'il peut partager avec d'autres organisations qui cherchent à donner une dimension humaine à la transformation numérique.

Randstad est une entreprise qui cherche à faire le bon matching entre les candidats et les employeurs. Comment la technologie peut-elle soutenir cela ?

 Jos Schut: La technologie est le moteur qui alimente notre monde. Chez Randstad, le premier point d'interaction avec les clients et les personnes à la recherche d'un nouveau rôle est désormais presque toujours numérique - en ligne, mobile ou sur les réseaux sociaux. Nous devons nous assurer qu'ils peuvent interagir avec nous facilement et de manière transparente - quand, où et de la façon dont cela leur convient.

Grâce à notre Digital Factory et au Randstad Innovation Fund, nous développons de nouveaux outils, révolutionnaires, qui nous permettent de faire correspondre candidats et clients avec une précision jamais égalée. Du côté des candidats, les innovations comprennent des outils de « gamification » et de psychométrie qui nous permettent de développer un profil à 360 degrés (compétences, expérience et traits de personnalité). Du côté des clients, les innovations permettent une planification plus proactive de la main-d'œuvre et d'atteindre un plus large éventail de candidats potentiels.

Quelles sont les limites de la technologie et pourquoi une dimension humaine est-elle encore si importante ?

 Jos Schut: La technologie ne peut pas aller aussi loin. Elle peut même rendre les entreprises paresseuses ! Dans un secteur comme le nôtre, le risque est de se reposer uniquement sur la technologie pour identifier un certain nombre de candidats dans une base de données et de les placer sans réellement les connaître et sans se soucier si ces personnes vont réellement convenir à l’entreprise. Dans ce cas, nous n’apportons plus aucune valeur ajoutée.

Les recherches que nous avons menées aux États-Unis confirment cela. Alors que la plupart des candidats reconnaissent la valeur de la technologie, ils sont frustrés quand elle prend le pas sur l'aspect humain du processus de recrutement. Presque toutes les personnes interrogées pensent que la technologie devrait être utilisée pour faciliter l'expérience de recrutement et non la remplacer. Quatre personnes sur cinq estiment qu'il est important que les agences de recrutement les reconnaissent en tant qu'individus, au-delà de leur CV. Les employeurs sont du même avis - plus de 80% d’entre elles préfèrent un partenaire qui donne un point de vue personnel sur les candidats.

D'autres secteurs font face à des défis similaires. Par exemple, beaucoup de banques ferment des agences et proposent des processus et des interactions en ligne. Pourtant, il y a des limites à cela. Les gens sont satisfaits des paiements automatisés ou du fait de pouvoir vérifier leur solde sur leur téléphone portable. Mais lorsqu'ils prennent une décision importante, comme un crédit ou un départ à la retraite, ils veulent qu'une personne qualifiée comprenne leurs besoins, leur parle des options et les guide tout au long du processus.

Sans une dimension humaine, les services peuvent rapidement se banaliser et devenir indifférenciés. La véritable valeur de la technologie est de permettre aux entreprises de mieux faire les choses et de faire de nouvelles choses, plutôt que d'avoir simplement une machine pour faire ce qu'elles font déjà. Plus l’automatisation s’intensifie, plus les consommateurs attachent d’importance à l’aspect humain, qui ne peut pas être reproduit par des machines. Même les entreprises considérées comme étant à la pointe de la technologie sont en réalité différenciées par cette dimension humaine. Par exemple, l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) par Netflix pour mettre en avant les préférences des téléspectateurs et générer des recommandations personnelles pour son contenu à la demande : ce système a été rendu possible par des équipes humaines qui «entraînent» et paramètrent l'IA. Le rôle de ces personnes a été de décomposer les films et les réponses des gens (par exemple en passant à un autre film) en milliers de points émotionnels. Seules des personnes peuvent créer ce type de connexion émotionnelle.

Comment Randstad cherche-t-elle à donner la priorité aux personnes ?

 Jos Schut: Pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, nous croyons que pour rester pertinent et différencié sur notre marché en évolution rapide, il ne suffit pas d'une simple transformation numérique. La digitalisation n'est rien de plus que le prix d'entrée. Ce qui a marqué et continuera de marquer Randstad, c'est le temps que nous prenons pour connaître nos clients et nos candidats, connaître leurs aspirations et déterminer comment nous pouvons les aider à se réaliser. Nous ne voulons pas seulement pourvoir des postes et faire augmenter nos chiffres, nous voulons créer un « matching » parfait entre le client et le candidat.

Le vrai pouvoir de la technologie est d'enrichir les échanges que nous avons avec les clients et les candidats. En effet, elle donne à nos consultants plus de temps pour comprendre la réalité des entreprises que nous servons et approfondir les objectifs et le potentiel de nos candidats. La technologie fournit également des données sur lesquelles nos consultants peuvent s'appuyer pour améliorer la qualité et la valeur de ces échanges. C'est pourquoi nous avons lancé Human Forward - nous voulons exploiter la puissance de la technologie et la passion des gens pour créer une expérience plus humaine et plus utile.

Quel est le bon équilibre entre la technologie et l’aspect humain ?

 Jos Schut: Pour trouver le bon équilibre, je pense que les entreprises devraient se demander «Comment peut-on utiliser la technologie pour évoluer et pas uniquement pour réduire les coûts ou automatiser ce que nous faisons ? ». Si vous utilisez uniquement la technologie pour réduire les dépenses sans penser à l'impact sur la qualité et le service, vous finirez seulement par éloigner les clients.

Il est également important que les personnes au sein des entrprises se demandent « qu'est-ce que je peux offrir qu'une machine ne peut pas offrir et comment puis-je en tirer le meilleur parti ? ». La technologie progresse tout le temps, ils doivent donc veiller à ce que leurs compétences et leurs méthodes de travail suivent le rythme. Alors que beaucoup d'argent est investi dans les compétences numériques, la créativité nécessaire pour mener l'innovation et l'agilité nécessaire pour s'adapter au changement est tout aussi importante.

L'ampleur du changement peut être déstabilisante. Comment convaincre les employés de prendre le train de la technologie ?

 Jos Schut: Beaucoup d'employés de toutes les secteurs d’activités craignent que leurs rôles ne changent en raison de la transformation numérique ou même de perdre leur emploi. C'est pourquoi il est essentiel de placer les personnes au centre de la stratégie de changement, plutôt que de simplement se concentrer sur les systèmes. Cela exige une contribution active des RH : expliquer la valeur que la technologie peut apporter aux employés (moins de tâches répétitives et plus de temps pour des activités à forte valeur ajoutée).

Certains travaux seront automatisés. Par conséquent, il est essentiel que des plans de recyclage et de réaffectation soient mis en place avant l’adoption de nouvelles technologies. Il est également important de veiller à ce que les employés aient l'occasion de présenter leurs idées et de faire part de leurs préoccupations, que les entreprises prennent cela en compte et qu'elles soient honnêtes dans leur façon de communiquer.

Chez Randstad, peu, voire aucun, poste ne seront touchés. Pourtant, nous rencontrons tout de même des difficultés pour obtenir l'adhésion des employés. En particulier, ceux qui ont très bien fait leur travail sans l'aide de trop de technologie et à qui on demande de l'adopter. C'est un défi pour beaucoup d'entreprises. Je pense aussi que, en tant que fonction, les RH ont été lents à adopter les développements numériques. Pour contrer cette réticence au changement, il est important de montrer comment la technologie peut autonomiser les employés et, aussi, comment ils risquent de se laisser distancer s'ils ne parviennent pas à suivre le rythme. La clé pour réaliser ce genre de changement est de reconnaître qu’il est autant culturel que technologique et que le personnel est au centre.

Comment ces changements correspondent-ils à votre objectif en tant qu'organisation ?

 Jos Schut: Chez Randstad, nous reconnaissons l'énorme importance du travail dans la vie des gens. Notre mission directrice est de permettre à plus de personnes de trouver un emploi, et à plus de personnes de s’accomplir dans leur travail. Human Forward peut contribuer à cela en aidant plus de gens à obtenir le travail qu'ils veulent vraiment. De toute évidence, les candidats veulent des choses différentes - certains veulent l'expérience qui leur permettra de progresser dans leur profession, tandis que d'autres veulent simplement un emploi qui paie les factures. Plus nous en savons sur ces aspirations, plus nous pouvons aider à offrir les opportunités correspondantes.

Il y a aussi une énorme dimension sociale à tout cela. Si de nombreux postes dans diverses industries sont remplacé par des machines, les personnes qui en pâtiront le plus seront celles qui ont déjà du mal à trouver un emploi. Cela inclut les jeunes qui n'ont jamais eu d'emploi et ne peuvent pas acquérir l'expérience nécessaire pour commencer leur carrière, ainsi que les personnes plus âgées qui pourraient voir les possibilités d’emploi se restreindre Cela touchera également des personnes plus en marge de la société, tels que les réfugiés ou les ex-délinquants. Le soutien à ces groupes a toujours été un élément clé de notre mission. Nous sommes convaincus que tout le monde a énormément à offrir - la combinaison de la technologie et de la touche personnelle peut nous aider à identifier ces capacités, à les soutenir par la formation et à mettre les candidats en contact avec des employeurs potentiels.

Ce que nous pouvons retenir :

  • à l'ère post-numérique, les capacités humaines sont plus importantes que jamais
  • les employés doivent rester agiles et prêts à s'adapter au changement pour suivre les progrès technologiques
  • si l'adhésion des employés est la clé d'une transformation réussie, il est essentiel de montrer comment la technologie rendra leur travail plus intéressant.

Jos Schut a débuté sa carrière chez Randstad en janvier 2001 en tant que directeur de succursale pour Yacht.

Après avoir été Directeur RH pour Randstad dans plusieurs pays (UK & Middle East, Australie et APAC), Jos est devenu CHRO au sein de Randstad Holding en septembre 2016.

Son objectif principal est le développement des collaborateurs au sein de Randstad. Jos joue également un rôle actif au sein du pôle formation et dirige la Frits Goldschmeding Academy.